Gruia Dufaut

NINE O’CLOCK: DANA GRUIA DUFAUT: PUISSENT LES 20 ANS À VENIR ÊTRE AUSSI PASSIONNANTS QUE LES 20 DERNIERS

NINE O’CLOCK: DANA GRUIA DUFAUT: PUISSENT LES 20 ANS À VENIR ÊTRE AUSSI PASSIONNANTS QUE LES 20 DERNIERS

Dernière mise à jour: 14 juillet 2014


En ce mois de juillet 2014, vous fêtez 23 ans depuis que vous avez immatriculé en juillet 1991 votre première société française en Roumanie. Depuis, des dizaines, voire des centaines de sociétés sont passées par votre Cabinet pour leur installation en Roumanie. Que ressentez-vous aujourd’hui en regardant en arrière?


En général je n’aime pas regarder en arrière …. Je préfère l’avenir au passé …. Mais dans ce cas, je dois dire que je regarde en arrière, avec une certaine fierté et comme je l’ai dit un jour à l’un de vos collègues journalistes pour une revue roumaine, « j’aimerai que les 20 ans à venir, soient aussi passionnants que l’ont été les 20 derniers …. » En effet, c’était hier, en février 1990, que je revenais visiter le pays de ma naissance, sans savoir alors, qu’un an plus tard (en 1991) j’allais installer ma première société française en Roumanie et encore moins que 24 ans plus tard je serai à la tête d’un Cabinet d’Avocats local fort de 35 personnes et de 14 avocats… ! Comment ne pas regarder avec une certaine satisfaction le fait d’avoir vécu l’Histoire avec un grand H. C’est-à-dire d’avoir vu ce pays se relever des cendres du communisme, d’avoir vu ce pays devenir membre de l’OTAN, entrer dans l’Union Européenne … ? Tout cela sur fond d’une formidable croissance laquelle certaines années atteignait 7 à 8% l’an ! Et même si les choses n’allaient pas aussi vite qu’on le souhaitait, la progression en avant, a été formidable … Se souvient-on encore que certains roumains n’ont jamais connu le fax à papier thermique et sont passés directement du telex au fax laser ? Ou encore directement à l’ère du numérique, avec les tablettes tactiles ? Eux, les roumains, qui du temps de Ceausescu devaient attendre des années pour se voir installer une ligne téléphonique fixe …. avec la téléphonique mobile toute une génération n’a presque pas connu l’étape «ligne fixe »…. Cela je l’ai aussi vécu … Car pendant qu’en France le téléphone mobile était une denrée rare et encore chère, ici cela s’est répandu comme une traînée de poudre ! Avoir un téléphone portable faisait partie de ce nouvel univers plein de LIBERTE ! Interdit d’interdire ….. voilà ce que j’avais entendu à plusieurs reprises au début des années ’90.
Et à propos de ça, je ferai un parallèle avec ce que nous fêtons aujourd’hui …. Le 14 juillet, fête nationale de la France, est la date de la prise de la Bastille en 1789, jour symbolique entraînant la fin de la monarchie absolue ou encore de manière moins connue, la fête de la Fédération qui eut lieu un an plus tard le 14 juillet 1790 au Champ de Mars. Mais saviez-vous que ce n’est que depuis le 6 juillet 1880, que le 14 juillet a été déclaré officiellement jour de la Fête nationale française ? …. Aujourd’hui on a tendance à dire que la démocratie en France a au moins 200 ans, depuis le vote de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui fait d’ailleurs aujourd’hui partie du droit positif français puisque inscrite dans la Constitution de 1958. Mais on sait aujourd’hui également que les premières années après 1789, n’ont pas toujours été faciles. Toute démocratie a ses sursauts et ne s’est pas mise en place sans certaines difficultés ; j’ai tendance à dire que la démocratie, cela s’apprends ! C’est pourquoi participer modestement à ce processus à partir de 1990, voir ce pays changer et revenir vers l’Europe, cela m’a enthousiasmée ; et quand en plus on fait cela dans le cadre d’un métier qui vous passionne, comme moi la profession d’avocat, c’est encore mieux !


Qu’en est-il aujourd’hui ? Peut-on parler de la même euphorie de ces premières années?


J’aimerai bien …C’est vrai que j’ai dû moi aussi m’assagir avec l’âge (encore que beaucoup de choses continuent de m’enthousiasmer), mais au-delà de ça, c’est l’économie mondiale qui s’est assagie ….
Doit-on encore le répéter, surtout pour ceux qui l’ont connu, que les années 1990-2000 ont été pour tous les pays de l’Est des années de boom économique, des années de pleine croissance ?
D’ailleurs les entreprises occidentales ne s’y sont pas trompées ; c’est pourquoi elles sont toutes venues investir dans ces pays : la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la Roumanie, etc. Des formidables pôles de croissance et non pas, comme on a trop souvent actuellement tendance à le dire, des pôles de délocalisation! Cela a peut être été partiellement vrai pour des entreprises dans le domaine du textile, mais celles-ci sont vite reparties. Les autres, sont par contre venues pour soutenir leur croissance externe, apporter un savoir-faire mais surtout développer le marché local au profit des populations locales, en formant et en faisant travailler la main d’œuvre locale… Aujourd’hui, il est vrai que la crise est passée par là aussi ….que les entreprises ont elles même moins de ressort, même si pour l’instant il reste en Roumanie tant de choses à faire !
Puis, pourquoi ne pas le dire … cette bureaucratie lourde, réminiscence d’un passé pas si lointain où détenir l’information voulait dire détenir le pouvoir … elle continue de nous empoisonner la vie au jour le jour …. Je suis parfois triste de voir la Roumanie de ce point de vue aller plus vers une certaine balkanisation, qu’une occidentalisation ! Il faut arriver à changer les mentalités sur ce point et cela est long et difficile. Cela peut dissuader des petites et moyennes entreprises (PME) de venir aborder le marché roumain …
Or, aujourd’hui, c’est d’elles qu’a besoin la Roumanie, car si de nombreux grands groupes sont déjà présents depuis longtemps sur place, le tissu économique d’un Pays, son « armée de petits soldats », ce sont ces fourmis ouvrières que sont les PME … Sans elles, point d’avenir…. !
Enfin et non des moindres, jusqu’à maintenant la Roumanie ne s’est pas montrée capable d’utiliser suffisamment les fonds européens mis à sa disposition par l’UE. Or, aujourd’hui le pays manque cruellement d’investissements dans les infrastructures routières, ferroviaires, portuaires, ou encore d’investissements dans le tourisme, dans l’énergie, etc. Jadis appelée « grenier à blé de l’Europe », la Roumanie a dû sa croissance de plus de 3% l’année dernière à une très bonne année agricole et …. aux exportations de Renault-Dacia ! On ne peut s’empêcher de dire « peut mieux faire …. ! »


Comment voyez-vous l’avenir? Un peu sombre si on vous écoute …


Je ne sais pas s’il existe en roumain un proverbe comme celui français qui dit « qui aime bien, châtie bien». Indiscutablement la Roumanie peut faire mieux …Donc je m’énerve de voir que cela ne va pas plus vite que ça ! Je suis impatiente ! J’aimerai que ce pays retrouve cette place qu’il a occupée pendant quelques années (pas très longtemps il est vrai) pendant l’entre-deux guerres ou les roumains étaient aimés, appréciés, choyés, demandés y compris et surtout dans les plus hautes sphères de la bourgeoisie et de l’intellectualité occidentale et surtout en France. Beaucoup savent que je suis binationale … Mais si avant 1989 en France mes origines roumaines étaient signe d’intérêt et de curiosité, vous savez comme moi que de nos jours l’image des roumains en France n’est pas la meilleure ! Et cela me fait mal … car comme tous les français qui vivons en Roumanie, nous savons combien ce pays est formidable, combien ce pays a un potentiel fabuleux, combien les roumains sont attachants, généreux, inventifs et combien malgré le présent politique pas toujours très encourageant, ce pays mérite d’être vu autrement!


Interview publié par Nine O’Clock, le 14 juillet 2014


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