Gruia Dufaut

CONTROLE DES IDE : CE QUI A CHANGE EN 2024–2025 ET CE QUE CELA IMPLIQUE POUR LES INVESTISSEURS EN ROUMANIE

CONTROLE DES IDE : CE QUI A CHANGE EN 2024–2025 ET CE QUE CELA IMPLIQUE POUR LES INVESTISSEURS EN ROUMANIE

Dernière mise à jour: 8 décembre 2025

CONTROLE DES IDE : CE QUI A CHANGE EN 2024–2025 ET CE QUE CELA IMPLIQUE POUR LES INVESTISSEURS EN ROUMANIE


Au cours de l’année écoulée, le régime européen et roumain de contrôle des investissements directs étrangers (IDE) est passé d’un cadre essentiellement normatif à une phase d’application pratique accompagnée de précisions méthodologiques.

À l’échelle de l’UE, un processus de révision a été engagé afin d’harmoniser et de renforcer l’évaluation des risques économiques et de sécurité. Le Parlement européen a adopté une série d’amendements clés à la proposition de la Commission européenne de révision du Règlement (UE) 2019/452 sur le contrôle des IDE, tandis que les négociations finales (PE-CE-Conseil) sont en cours.

En Roumanie, après l’adoption de l’OUG n° 46/2022, le Conseil de la Concurrence a publié en 2025 des Instructions opérationnelles concernant le calcul de la valeur de l’investissement et la notion de « contrôle », après que la Loi n° 164/2023 avait apporté une clarification importante en incluant expressément les investissements réalisés par une société roumaine dans la notion d’« investissement provenant de l’UE ».

« Investisseur de l’Union européenne : personne physique citoyenne d’un État membre de l’Union européenne qui a réalisé ou entend réaliser un investissement en Roumanie. Sont également incluses dans la catégorie de l’investisseur de l’Union européenne la personne physique de nationalité roumaine ainsi que la personne morale dont le siège social est situé sur le territoire de la Roumanie, ayant réalisé ou entendant réaliser un investissement en Roumanie. » (art. 2, lettre h, point 1 de l’OUG n° 46/2022)

Évolutions récentes au niveau européen

Proposition de révision (janv. 2024) : la Commission européenne a soumis une proposition de révision du Règlement (UE) 2019/452 sur le contrôle des IDE, en invoquant des lacunes pratiques et la nécessité de normes plus harmonisées à l’échelle de l’UE. La proposition étend les instruments de coopération et vise à augmenter la prévisibilité des évaluations de sécurité économique.

Position du Parlement européen (mai 2025) : le Parlement européen a adopté le 8 mai 2025 des amendements visant l’harmonisation des législations nationales, la mise en place de bases objectives pour l’évaluation des risques et des options élargies de contrôle des IDE par les États membres. Le législateur européen envisage une norme commune d’évaluation des risques pour la sécurité ou l’ordre public, dans le contexte des développements régionaux actuels, sans toutefois éliminer les compétences nationales. Les amendements prévoient également que, pour garantir une approche cohérente du contrôle des IDE au sein de l’Union, les États membres devraient pouvoir élargir le champ d’application de leur mécanisme national à d’autres types d’investissements, à d’autres secteurs, entités cibles ou à des activités économiques qu’ils considèrent comme essentielles pour leur sécurité ou leur ordre public.

Dans une telle situation, cet examen doit être effectué dans le respect des dispositions du règlement. Un autre amendement précise que les mécanismes nationaux doivent minimiser la complexité administrative, éviter les retards injustifiés et tenir compte des ressources limitées des PME.

À la lumière de ces évolutions, on peut anticiper l’émergence en 2026 d’un cadre européen plus strict en matière de surveillance des investissements. Des règles plus claires et un échange d’informations accru au niveau de l’UE devraient renforcer les exigences de conformité imposées aux investisseurs transnationaux susceptibles de générer des risques stratégiques.

Évolutions récentes en Roumanie

Le cadre législatif national repose sur l’OUG n° 46/2022, qui confère à la Commission pour l’examen des IDE (la CEISD) la compétence d’autoriser les nouveaux investissements sensibles dépassant le seuil de 2 millions EUR. Le texte de loi impose à l’investisseur l’obligation de notifier et d’obtenir l’avis relatif à l’autorisation IDE lorsqu’il remplit les seuils et conditions de contrôle prévus par la loi.

Pour compléter et clarifier la législation existante, le Conseil de la Concurrence a adopté l’Ordre n° 2112 du 22 juillet 2025 portant application des Instructions relatives à l’art. 3, al. (5) de l’OUG n° 46/2022 concernant les mesures d’application du Règlement (UE) 2019/452 et modifiant la Loi n° 21/1996 sur la concurrence.

Les Instructions clarifient trois principaux domaines: (i) le mode de calcul de la valeur de l’investissement soumis au contrôle CEISD, (ii) les exigences relatives au dépôt de la notification, et (iii) la notion de « contrôle ».

Valeur de l’investissement

La règle générale prévoit que la valeur de l’investissement correspond à la valeur des fonds mis à disposition par l’investisseur. On comprend par fonds la totalité des contreparties directes ou indirectes, y compris paiements, transferts d’actifs, actions, remises de dettes, compensations, services ou contreparties en nature.

Les méthodes de détermination de la valeur de l’investissement dépendent du type d’opération.

Dans le cas d’achats de titres de participation, la détermination de la valeur prend en compte le prix effectif payé et / ou le capital mis à disposition par l’investisseur. En cas d’augmentation de capital ou de tout autre type d’apport, la valeur de l’investissement représente la totalité de l’apport, y compris la valeur nominale des titres souscrits et, selon le cas, la prime d’émission. A souligner que l’apport d’un associé existant, qui ne modifie pas le contrôle ou l’administration de la société, ne représente pas un investissement direct étranger au sens de l’OUG 46/2022.

Dans les situations où il n’existe aucun paiement effectif, la valeur de l’investissement est établie sur la base de la valeur de marché des titres ou des actifs acquis. L’évaluation appartient à l’acquéreur et doit être justifiée selon l’ordre de préférence suivant : valeur de marché, valeur comptable ou, en dernier ressort, valeur fiscale. Des rapports d’évaluation externes peuvent être utilisés pour étayer la valeur déclarée.

Les instructions émises en 2025 prévoient également des règles spécifiques pour certains cas particuliers. Ainsi, les opérations mixtes sont traitées par le cumul des composantes, le résultat étant la valeur totale investie. Les contreparties en nature sont valorisées selon la juste valeur de marché à la date du dépôt de la demande d’autorisation. Les prêts et accords de financement mis à disposition par l’investisseur sont inclus dans la valeur de l’investissement pour le montant total du prêt, intérêts compris, exception faite des prêts accordés par des institutions financières autorisées dans le cours normal de leur activité de crédit, qui ne confèrent pas de contrôle et ne sont pas inclus dans le calcul. La conversion d’une participation en capitaux propres inclut les sommes initialement versées par l’investisseur pour cette participation, ainsi que toute contrepartie ultérieure liée à la conversion. Pour les titres négociés en bourse, est pris en compte le cours de clôture du jour de négociation antérieur au dépôt de la demande ou, en l’absence de transactions, le dernier cours publié. Dans le cas d’investissements réalisés par étapes, les valeurs afférentes à chaque étape sont cumulées pour déterminer le seuil. Pour les transactions multi-juridictionnelles, si le prix afférent aux actifs situés en Roumanie n’est pas individualisé, les évaluations des parties concernant le volet roumain seront prises en considération ; à défaut, c’est la valeur totale de la transaction multi-juridictionnelle qui est retenue.

L’impact pratique est clair : toute composante non monétaire, tout prêt ou tout mécanisme par étapes doit être quantifié et documenté dans la notification. L’allocation du prix dans les transactions transfrontalières est décisive pour établir l’obligation de notification et pour évaluer le risque de dépasser les seuils activant la compétence de la CEISD.

Dépôt de la notification

Dans le cadre de cette opération on distingue deux moments clés : la preuve de l’intention et le dépôt de la notification.

La preuve de l’intention de réaliser l’investissement se fait par un document concret — avant-contrat, letter of intent, contrat ou tout autre accord qui confirme sans équivoque que l’investisseur veut réaliser l’opération. Ce document est nécessaire pour le dépôt de la demande, puisque l’autorité doit pouvoir vérifier l’existence d’une intention ferme, et non de simples discussions préliminaires.

La demande d’autorisation est déposée uniquement après la finalisation des négociations sur les éléments essentiels de la transaction — prix, structure de financement, parties impliquées et objet de l’investissement — mais avant que l’investissement ne soit mis en œuvre.

Notion de contrôle

Conformément aux instructions, la notion de contrôle applicable aux investissements soumis à l’avis de la CEISD est la même que la définition du contrôle en droit de la concurrence. Les instructions renvoient directement à l’art. 9, alin. (5) et (6) de la Loi de la concurrence n° 21/1996, ce qui signifie qu’est considérée comme contrôle toute situation dans laquelle une personne acquiert la capacité d’influencer les décisions stratégiques d’une entreprise.

Sont également incluses les opérations conduisant à la création d’une société commune, conformément à la Loi des sociétés n° 31/1990.

Pour établir si un investissement génère un contrôle, le Conseil de la Concurrence utilise les mêmes critères que dans l’analyse des concentrations économiques.

Les instructions indiquent expressément l’application des sections pertinentes des « Instructions concernant les concepts de concentration économique », adoptées par l’Ordre n° 386/2010. L’évaluation prend en compte les droits de vote, la possibilité de nommer ou révoquer les administrateurs, les droits de veto sur les décisions stratégiques ou les accords parallèles permettant d’influencer la direction.

La conséquence pratique de ces dispositions est que l’obligation de notification ne dépend pas, en définitive, uniquement du pourcentage de participation, mais de l’existence d’un contrôle exercé sur un investissement / l’activité d’une entreprise entrant dans le champ d’application de l’OUG 46/2022.

Les droits résultant d’une structure contractuelle complexe peuvent conférer un contrôle, même si l’investisseur ne devient pas actionnaire majoritaire. Ainsi, les opérations dans lesquelles l’investisseur étranger détient une participation minoritaire — mais assortie de droits décisifs — sont également soumise à la procédure d’autorisation.

La Roumanie, un important destinataire de capitaux étrangers

Les IDE représentent un pilier fondamental du développement économique pour chaque État, avec un impact significatif sur la stimulation de la productivité, la création d’emplois, la modernisation des infrastructures économiques, la diversification des industries et la stimulation de l’innovation.

Dans un paysage mondial de plus en plus fragmenté, marqué par des tensions géopolitiques et des crises économiques récurrentes, les politiques visant à attirer et à encadrer les investissements revêtent une importance stratégique pour l’ensemble des économies, qu’elles soient émergentes ou plus avancées.

La Roumanie demeure un destinataire significatif de capitaux étrangers, et la perception des fonds de private equity reste positive, même si le flux net d’IDE en 2024, selon les rapports officiels, a été d’environ 5,6 milliards d’euros, en baisse par rapport à 2023 (6,75 milliards d’euros), soit approximativement 1,6 % du PIB. Ainsi, une recherche réalisée par Invest Europe, « 2024 Central & Eastern Europe private equity statistics », montre que la Roumanie a été l’un des principaux marchés d’exit de la CEE en 2024, avec une valeur estimée à 98 millions d’euros, la plaçant immédiatement après la Pologne et bien devant la Tchéquie, la Lituanie ou la Hongrie. Cela indique que le marché roumain est attractif pour les investisseurs de private equity et de venture capital, ceux-ci pouvant entrer et sortir au moyen de transactions rentables. En outre, la marge de croissance reste toujours importante, la Roumanie ayant encore un potentiel d’attraction des investissements de private equity pour se placer sur le podium de la CEE dominé en 2024 par la Pologne (44 % de la valeur totale des investissements en private equity de 2,83 milliards d’euros), la Hongrie (21 %) et la Tchéquie (14 %).

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